MLC CANNIBALISME OU RÉSISTANCE

Publié le 26/03/2011 à 04:03 par congodemocratie Tags : mort femmes congo background enfants
Pour rester à Montréal, il tente de se dissocier des miliciens cannibales PDF Imprimer Envoyer

Mise à jour le Jeudi, 17 février 2011 16:09

Alors que le procès pour crimes contre l’humanité de l’ex-chef de guerre congolais Jean-Pierre Bemba se poursuit au Tribunal pénal international, Rue Frontenac a appris qu’un de ses acolytes s’est secrètement réfugié à Montréal et tente maintenant d’éviter la déportation en se dissociant des actes de cannibalisme, de viols, d’esclavage sexuel et de massacres attribués aux miliciens de son mouvement.


Le Congolais de 50 ans habite dans un YMCA de Montréal depuis qu’il s’est présenté au poste-frontière de Lacolle, en janvier 2008. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié a refusé de lui accorder le statut de réfugié car elle estime qu’il y a « des raisons sérieuses de penser qu’il a commis des crimes contre l’humanité ».« Je suis un avocat et je ne représente pas un danger pour le Canada », souligne Ambroise Mapangu Ishaku dans des documents déposés en cour.

Ambroise Mapangu Ishaku demande le statut de réfugié au Canada

Les crimes en question donnent carrément froid dans le dos.

Ambroise Mapangu Ishaku reconnaît avoir siégé au « collège juridique » du Mouvement pour la libération du Congo (MLC), un groupe politico-militaire qui a mené une guerre sanglante pour renverser la dictature de Laurent-Désiré Kabila en République démocratique du Congo.

Il a même été l’avocat personnel du chef du MLC, Jean-Pierre Bemba, devant la Cour suprême de son pays. Jean-Pierre Bemba subit présentement son procès à La Haye, aux Pays-Bas, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, incluant un grand nombre de meurtres, de pillages et de viols.

Droits humains

L’ensemble du bilan du MLC en matière de respect des droits humains est peu reluisant, comme celui d’autres parties impliquées dans le conflit.

« La preuve documentaire est volumineuse et accablante. Des membres du MLC ont commis, en RDC et en Centrafrique, où ils sévissaient aussi, meurtres, viols utilisés comme arme de guerre contre des femmes, des filles, des fillettes et des religieuses, arrestations et détentions arbitraires, disparitions, ainsi que tueries arbitraires de civils, torture, incendies, pillages et massacres (...). Toutes ces horreurs ont été commises à grande échelle et visaient des milliers et des milliers de victimes innocentes », a affirmé dans sa décision la commissaire à l’immigration Michelle Langelier, qui a examiné le dossier du demandeur d’asile.

Et la commissaire continue, en se basant sur des rapports d’ONG comme Amnistie Internationale, sur des cas troublants de cannibalisme commis par des soldats du MLC, « au su des dirigeants ».

On y raconte que des combattants auraient forcé des femmes pygmées à cuisiner puis manger leurs maris. Selon Amnistie internationale, les forces du MLC en certains endroits étaient constituées jusqu’à 40 % d’enfants soldats.

Ceux-ci ont été soumis à « d’inimaginables horreurs », souligne la commissaire. Ils auraient été forcés de se livrer au cannibalisme, de combattre et souvent de tuer leur propre famille, en plus d’être violés et utilisés comme esclaves sexuels.

Interrogé sur la question du cannibalisme devant la Commission de l’immigration, Ambroise Mapangu Ishaku a répliqué qu’il subsistait des doutes à ce sujet. « À première vue, j’y ai cru, mais après, j’ai eu un doute sur cette information. Ça dépasse l’entendement qu’il y ait du cannibalisme au Congo », a-t-il affirmé lors de son témoignage.

Lorsqu’on lui a fait remarquer que son chef, Jean-Pierre Bemba, a admis certains épisodes de cannibalisme, le demandeur a répété que « ça peut être arrivé, mais la population a été plongée dans le doute ».

Manque d'empathie

La commissaire a estimé que ce témoignage manquait d’empathie pour les victimes et minimisait les atrocités commises dans ce conflit. Elle souligne qu’Ambroise Mapangu Ishaku occupait un poste de décision « ou à tout le moins de conseil ». Il n’était pas un subalterne ignorant tout de l’orientation de son groupe, dit-elle.

Le juriste congolais a contesté jusqu’à tout récemment la décision de la commissaire devant la Cour fédérale. Mais celle-ci a refusé de faire annuler la décision.

Tout n’est cependant pas perdu pour le Congolais, qui jure toujours n’avoir rien à voir avec les exactions des combattants de son mouvement.
Son avocat montréalais étudie toujours la possibilité de demander une évaluation des risques avant renvoi ou un appel au ministre pour motifs humanitaires.

Deux procédures exceptionnelles qui sont rarement couronnées de succès, mais qui pourraient lui permettre d’éviter la déportation s’il démontre qu’il sera passible de traitements cruels ou de la mort en cas de retour en République démocratique du Congo.

Dans son témoignage, il explique déjà que ce sont les représailles des troupes du président Kabila qui l’ont forcé à quitter son pays, après la fin de la guerre et l’échec du processus de réconciliation nationale. Rue Frontenac a eu accès à des photographies de ses enfants en bas âge, couverts de bandages parce qu’ils auraient été violentés par les forces gouvernementales.

« Je ne peux pas retourner dans mon pays, car j’y serai tué », souligne-t-il dans une lettre déposée en cour.

Il raconte d’ailleurs que les hommes de main du président le cherchaient pour lui faire un mauvais parti lorsqu’il a eu la chance d’être invité à une conférence du Barreau pénal international à New York.

L’invitation lui a permis d’obtenir un visa pour les États-Unis et de s’envoler vers New York. De là, plutôt que de rentrer dans son pays, il a voyagé par la route jusqu’au poste-frontière de Lacolle, où il a fait sa demande de réfugié.

Nous avons laissé plusieurs messages pour M. Ishaku au YMCA où il réside, mais il n’a jamais donné suite à nos appels. Son avocat, Me Alain Vallières, n’a pas eu son autorisation pour discuter du dossier avec les journalistes.

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VINCENT LAROUCHE